Devenir père, c’est un bouleversement. Une rencontre intime avec soi-même, un corps à corps avec ses doutes, ses repères, ses idéaux. Pour beaucoup de jeunes pères, cette transition est aussi le théâtre d’une pression silencieuse : celle d’être un « bon père », un « père présent », un « père moderne »… tout en assurant au travail, dans le couple, et dans ses responsabilités. Une anxiété de performance, souvent peu nommée, mais bien réelle.

Un rôle en mutation, des repères en construction

À la différence des générations précédentes, les jeunes pères d’aujourd’hui sont souvent désireux d’être pleinement investis dans leur rôle parental. Finie l’image du père distant ou uniquement pourvoyeur : place au père impliqué, sensible, compétent. Mais ce nouveau modèle, bien que porteur de sens, vient aussi avec son lot d’injonctions : être présent sans faillir, savoir répondre aux besoins de l’enfant, soutenir sa partenaire, gérer les imprévus avec calme, et surtout… ne pas se tromper.

La peur de ne pas être « assez »

Cette pression peut devenir source d’anxiété. Nombreux sont les jeunes pères qui avouent, parfois en thérapie, parfois entre amis, souvent à demi-mot, qu’ils se sentent dépassés, insuffisants, coupables.
« Est-ce que je fais bien ? »
« Et si je n’étais pas à la hauteur ? »
Ces questions, loin d’être marginales, traduisent un perfectionnisme intérieur souvent renforcé par les comparaisons (réseaux sociaux, entourage, discours publics sur la parentalité idéale). Ce besoin de bien faire à tout prix peut conduire à une hypervigilance épuisante, voire à une forme de sur-adaptation émotionnelle.

Un certain niveau de stress est naturel dans la parentalité. Mais quand ce stress devient chronique, quand il alimente l’insomnie, la perte de plaisir, l’irritabilité ou le retrait social, il est important de tirer la sonnette d’alarme. Chez les jeunes pères, cette anxiété de performance peut s’accompagner d’une forme de solitude : peu de lieux pour en parler, un tabou autour du mal-être masculin, une tendance à « tenir bon » plutôt qu’à demander de l’aide.

Apprendre à composer et non à performer

Sortir de cette spirale ne signifie pas renoncer à être un bon père, mais réinterroger ce que cela veut dire. Être un bon père, ce n’est pas réussir à tous les coups, c’est être présent, imparfait, mais engagé.

Cela passe par :

  • L’acceptation de ses limites et de ses émotions,
  • La possibilité d’en parler avec d’autres (amis, groupes de parole, thérapeute),
  • Une répartition plus équitable des responsabilités au sein du couple,
  • Et surtout, le droit de ne pas tout maîtriser.

L’anxiété de performance des jeunes pères est un signal : celui d’un désir profond de bien faire. Mais ce désir peut devenir source de souffrance s’il n’est pas accompagné, partagé, ou s’il s’ancre dans des idéaux inaccessibles.
Redonner à la paternité sa dimension humaine, faillible, et vivante, c’est aussi permettre aux hommes d’en faire l’expérience sans s’y perdre. Et peut-être, à travers cette fragilité assumée, montrer à leurs enfants qu’on n’a pas besoin d’être parfait pour aimer profondément.

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