Lorsque l’on parle de dépression post-partum, l’image qui vient généralement en tête est celle d’une jeune mère épuisée, submergée par l’arrivée d’un bébé. Pourtant, un acteur essentiel du système familial est souvent oublié : le père. Moins visible, moins entendu, et encore trop souvent silencieux, la dépression post-partum chez les hommes reste un phénomène largement méconnu – bien qu’il concerne environ 8 à 10 % des jeunes pères selon certaines études internationales.
Une souffrance réelle, mais invisibilisée
La période qui suit la naissance d’un enfant est un bouleversement majeur pour tout le système familial. Le père, tout comme la mère, vit une transition identitaire, affective et relationnelle. Il passe du rôle de partenaire à celui de co-parent, avec des responsabilités nouvelles, des attentes sociales fortes, et souvent, un manque de repères émotionnels pour accompagner ce changement.
Mais à la différence des mères, les pères sont rarement interrogés sur leur vécu psychique après l’accouchement. Ils sont supposés « tenir le coup », « soutenir leur compagne », « assurer »… Une injonction à la solidité qui rend difficile l’expression d’une fragilité pourtant bien réelle.
Une approche systémique : comprendre au-delà de l’individu
L’approche systémique en psychologie nous invite à regarder l’individu dans son contexte, en prenant en compte les interactions, les rôles et les dynamiques relationnelles au sein de la famille. La naissance d’un enfant ne transforme pas seulement un individu, elle réorganise l’ensemble du système familial.
Le père n’est pas isolé dans sa souffrance : il évolue dans un contexte souvent marqué par :
- La fatigue et l’épuisement général du couple,
- La répartition parfois déséquilibrée des tâches parentales,
- Les attentes sociales autour du “bon père” moderne,
- La pression économique ou professionnelle,
- Un sentiment de mise à l’écart dans la relation mère-enfant, notamment si l’allaitement est central.
C’est donc l’ensemble du système qui peut générer ou amplifier le mal-être du père. Comprendre la dépression post-partum paternelle, c’est interroger les interactions, l’environnement, les représentations sociales, et les modèles familiaux transmis.
Quels signes doivent alerter ?
Chez les pères, la dépression post-partum peut se manifester de manière différente que chez les mères. On observe souvent :
- Un repli émotionnel,
- De l’irritabilité, voire des accès de colère,
- Une fatigue chronique,
- Une diminution de l’intérêt pour le bébé ou la vie familiale,
- Un retour compulsif au travail ou à d’autres activités pour fuir le quotidien,
- Parfois, des comportements addictifs (alcool, jeux, etc.)
Ces signaux sont souvent masqués ou banalisés. Pourtant, ils méritent écoute, reconnaissance et accompagnement.
Briser le silence, ouvrir l’espace du dialogue
Rompre le tabou autour de la dépression post-partum chez les pères passe par la parole, la prévention et l’accompagnement.
Cela suppose de :
- Intégrer les pères dans les dispositifs de suivi périnatal,
- Favoriser des consultations en couple, dès la grossesse,
- Valoriser leur place dans le lien d’attachement avec l’enfant,
- Offrir des espaces de parole spécifiques aux hommes, sans jugement.
L’accompagnement thérapeutique, qu’il soit individuel, de couple ou familial, peut jouer un rôle déterminant. Il permet de redonner du sens à ce qui est vécu, de rétablir une communication apaisée, et de rééquilibrer les rôles au sein du système familial.